France, 1772
Par Thomas Compigné
Etain, or, argent et gouache
Ce petit tableau en feuille d’étain estampée et rehaussée d’or, d’argent et de gouache représente une vue de la Seine entre le Pont Royal et le Pont Neuf, à Paris comme l’indique le texte incisé dans la partie basse du médaillon : vue de Paris, prise du Pont-Royal, exécutée sur le Tour et présentée au Roy par Compigné, Son Tabletier, le 3 février 1772.
Au premier plan, on distingue le Pont Royal, construit entre 1685 et 1689 en pierre et entièrement financé par le roi Louis XIV qui est formé de cinq travées avec une arche centrale en anse de panier. Il relie la rive droite au niveau du Pavillon de Flore, représenté à gauche du médaillon, et se prolonge par l’aile du bord de l’eau du Louvre et la rive gauche sur la droite du médaillon, où se succèdent des demeures de particuliers le long du quai ainsi que le dôme de la chapelle du Collège des Quatre Nation, actuel Institut de France.
Le centre de la composition est marqué par la présence de la statue équestre de Henri IV sur son haut socle, installé devant le Pont-Neuf, dont on aperçoit les arches permettant de relier la rive droite et la rive gauche à l’extrémité de l’île de la Cité.
Légèrement sur la droite, les deux tours de la façade de Notre-Dame de Paris émergent d’une succession de maisons.
La Seine est animée d’embarcations et des personnages déambulent sur les quais ainsi qu’un carrosse qui s’engage sur le Pont Royal au premier plan.
L’ensemble, rehaussé d’or à l’exception de la Seine argentée et surmonté d’un ciel gouaché aux tonalités bleu et or.
Les tableaux en Compigné
D’une grande préciosité et variété de matériaux, les tableaux en Compigné étaient réalisés selon un procédé mystérieux à partir d’une feuille d’écaille de tortue ou de papier cartonné sur laquelle était appliquée une feuille d’étain ou d’or. La surface pouvait ensuite être décorée à l’or, à l’argent, à la gouache et aux vernis colorés. Ces « miniatures » connues aujourd’hui sous le nom de Compigné, eurent un très grand succès dans les années 1760. Le petit format, caractéristique de cette production, nécessitait de travailler avec une extrême précision, probablement à l’aide d’une loupe, pour développer le perfectionnement des détails techniques et des coloris.
Thomas Compigné
Arrivé d’Italie probablement vers 1750, Thomas Compigni prit le nom de Compigné en s’installant à l’enseigne du Roi David, rue Greneta à Paris. En tant que tabletier, il était spécialisé dans la fabrication et la vente de boîtes, de jeux de trictrac, de dames et d’échecs, de tabatières et autres poignées de canne en écaille blonde incrustées d’or. Réputé pour la qualité de ses objets, il passa à la postérité par la production de tableaux précieux dont la technique reste aujourd’hui mystérieuse. En 1773, il présenta au Roi deux vues du château de Saint-Hubert et obtint le titre de tabletier privilégié du Roi sous Louis XV et sous Louis XVI. Ses thèmes de prédilection sont le plus souvent des vues de villes, de monuments et de châteaux dans des perspectives de parcs ou de paysages animés de petits personnages.
Bibliographie
Jean-Marie Bruson, Françoise Reynaud, Philippe Sorel, Rosine Trogan et Jean-Pierre Willesme, De la place Louis XV à la place de la Concorde, catalogue d’exposition, Paris, Musée Carnavalet, 1982.
Anita Semail, « ces délicats chefs-d’œuvre de la tabletterie au XVIIIe siècle : Les Compigné et leurs créateurs », Plaisir de France n° 427, mars 1975.
Ouvrage collectif, Compigné, peintre et tabletier du Roy, catalogue d’exposition, Grasse, Villa-Musée Jean-Honoré Fragonard, Juin-Juillet 1991.