Grand tableau en Compigné représentant le Palais Royal

45.000 

France, entre 1763 et 1781
Attribué à Thomas Compigné
Etain, or et gouache
Inscription « Vue du Palais Royal exécuté sur le tour » en bas du Compigné

Catégorie :

Ce tableau en Compigné de taille exceptionnelle, en feuille d’étain estampé et rehaussé d’or et de gouache représente une vue du Palais Royal de Paris depuis les jardins. Au premier plan, plusieurs allées parallèles terminées par des treilles encadrent une allée plus large aboutissant à un basin circulaire au centre duquel jaillit un important jet d’eau.

L’allée centrale se prolonge jusqu’à la cour d’Honneur du Palais Royal dont l’entrée est délimitée par une barrière. Deux tapis verts encadrés d’arbres savamment taillés en boule s’étendent devant la façade du Palais. Celle-ci, constituant l’arrière-plan de la composition restitue avec exactitude l’élévation quelques peu hétéroclite du bâtiment. Ainsi, la façade centrale du XVIIIe siècle, aujourd’hui disparue, à deux niveaux d’élévation et trois travées est surmontée d’un toit ponctué d’oculis. Précédé de la cour d’Honneur, il est encadré sur la droite d’un corps de logis à haut toit et sur la gauche de bâtiments à toit mansardés qui se poursuivent également par d’autres bâtiments en équerre à balcon filant au deuxième étage. On distingue de hautes toitures à l’arrière-plan sur la gauche correspondant à celles de l’Opéra et de l’escalier. D’autres bâtiments ferment également la composition sur la droite. L’élévation représentée a connu plusieurs remaniements dès la fin du XVIIIe siècle suite à des incendies et des changements d’affectation et est donc assez différente de celle que l’on peut observer aujourd’hui. Elle correspond au Palais Royal tel qu’il était dans le deuxième tiers du XVIIIe siècle. Les nombreux promeneurs évoquent également le succès des jardins, ouverts au public, ils étaient un lieu de promenade très prisé à l’époque.

L’ensemble est souligné par un encadrement de rinceaux vert sur fond crème encadré de rinceaux blanc sur fond vert encadrés de liserés d’étain.

Les tableaux en Compigné

D’une grande préciosité et variété de matériaux, les tableaux en Compigné étaient réalisés selon un procédé mystérieux à partir d’une feuille d’écaille de tortue ou de papier cartonné sur laquelle était appliquée une feuille d’étain ou d’or. La surface pouvait ensuite être décorée à l’or, à l’argent, à la gouache et aux vernis colorés. La manière dont la couleur, l’or ou l’argent est fixé à l’étain reste aujourd’hui mystérieuse. Ces « miniatures » connues aujourd’hui sous le nom de Compigné, eurent un très grand succès dans les années 1760. Le petit format, caractéristique de cette production, nécessitait de travailler avec une extrême précision, probablement à l’aide d’une loupe, pour développer le perfectionnement des détails techniques et des coloris.

Les tableaux de forme rectangulaire mesuraient généralement une vingtaine de centimètres de largeur, celui-ci, celui-ci, de 32 centimètres de largeur, est donc remarquable par ses dimensions.

Thomas Compigné

Arrivé d’Italie probablement vers 1750, Thomas Compigni prit le nom de Compigné en s’installant dans le quartier Montorgueil, rue Greneta à Paris à l’enseigne du Roi David. En tant que tabletier, il était spécialisé dans la fabrication et la vente de boîtes, de jeux de trictrac, de dames et d’échecs, de tabatières et autres poignées de canne en écaille blonde incrustées d’or. Réputé pour la qualité de ses objets, Thomas Compigné est l’un des rares tabletiers du XVIIIe siècle dont on a retenu le nom. De nombreuses gazettes font l’éloge, entre 1766 et 1773, de sa production d’objets « très beaux, incrustés d’or et de différentes couleurs très solides) ». Elles décrivent particulièrement ses ouvrages connus aujourd’hui sous le nom de « Compigné. En 1773, il présenta au Roi deux vues du château de Saint-Hubert et obtint le titre de tabletier privilégié du Roi sous Louis XV et sous Louis XVI. Ses thèmes de prédilection sont le plus souvent des vues de villes, de monuments et de châteaux dans des perspectives de parcs ou de paysages animés de petits personnages.

 

Le Palais Royal

Depuis la demeure que Richelieu fait édifier à proximité du Louvre jusqu’au Palais-Royal actuel, l’histoire de ce monument peut apparaître comme un incessant chantier qui se reconstruit sur lui-même.

En effet, Richelieu ayant acheté en 1624 l’hôtel de Rambouillet, situé au Nord du Louvre et possédant un vaste terrain, il confia dès 1628 la direction d’importants travaux à l’architecte Jacques Lemercier. A l’époque nommé Palais-Cardinal, il fut donné au roi Louis XIII en 1636 et devint dès lors Palais-Royal. Ayant servi de résidence à la régente Anne d’Autriche (1601-1666) et au jeune Louis XIV enfant durant la période de la Fronde, il passe ensuite dans l’apanage de Philippe d’Orléans en 1692 et devient alors la résidence des Orléans. La Régence est l’âge d’or du Palais-Royal qui devient de 1715 à 1723 le cœur de la vie politique et artistique du royaume. Le régent Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV, y réside et fait transformer les décors intérieurs du palais par son premier architecte, Oppenordt, l’un des principaux créateurs du style rocaille. Les élévations ont alors un caractère disparate que Louis-Philippe d’Orléans (1725-1785) souhaitera faire unifier. C’est ainsi que Pierre Contant d’Ivry (1698-1777) doublera en profondeur l’aile est du palais côté jardin et distribuera dans l’aile ouest les appartements de la duchesse. Suite à l’incendie ayant détruit l’Opéra le 6 avril 1763, l’architecte donna également les plans d’un vestibule conduisant à un grand escalier ainsi qu’un nouvel Opéra. Ce dernier brulera de nouveau en 1770 et 1781 avant d’être reconstruit à l’ouest du Palais-Royal en 1785, emplacement de l’actuelle Comédie-Française.

L’image agitée du Palais-Royal est liée à celle du cousin de Louis XVI, Louis-Philippe Joseph d’Orléans (1747-1793), duc de Chartres puis duc d’Orléans, qui prend en 1792 le titre de Philippe Egalité. A la fin de l’Ancien Régime, ce dernier décida d’importants travaux, modifiant durablement le Palais Royal. Très endetté, il s’engagea en effet sur la voie de la spéculation immobilière en 1780 en lançant la construction par Victor Louis de bâtiments sur le pourtour du jardin, ayant l’idée de louer les rez-de-chaussée à des commerçants et de faire du Palais-Royal le pôle d’attraction de tout Paris. Lieu d’exception, protégée par des règles que seul le statut de son propriétaire peut permettre, la police n’a pas le droit d’y pénétrer. Les marchands de mode, cafés, boutiques d’estampes et gravures, libraires, etc… se partagent les 88 boutiques, tandis que les arcades abritent une foule disparate de prostituées, joueurs ou flâneurs.

Théâtre important de la Révolution française, réuni au domaine de l’Etat après l’exécution de Philippe-Egalité fin novembre 1793, il est restitué à la famille d’Orléans en 1815. D’importants travaux sont alors confiés à l’architecte Fontaine, qui modifie la cour d’honneur et l’aile Montpensier.

Sous le Second Empire (1853-1870), redevenu « royal » le palais accueille le roi Jérôme de Westphalie (frère de Napoléon Ier et oncle de Napoléon III) et son fils Jérôme Napoléon, qui avec son épouse Clotilde de Savoie, rénove complètement l’aile Montpensier. Revenu dans le domaine de l’Etat à la chute de l’Empire, de nombreuses institutions s’y installent, dont certaines sont encore présentes aujourd’hui. Ainsi le Palais Royal abrite encore à ce jour le Conseil d’Etat, le Conseil Constitutionnel et le ministère de la Culture.

 

Une description précise du Palais Royal

L’architecture du Palais Royal est complexe et cette vue permet de distinguer la construction telle qu’elle était dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, avant le lancement des constructions décidées par le duc de Chartres en 1780.

Ouverts au public par le fils du Régent, les jardins avaient été dessinés par Le Notre en 1674 et restaurés par son neveu Claude Desgot en 1730. Les nombreux personnages se promenant sur cette vue illustrent le succès du lieu à l’époque. L’apanage d’Orléans étant fermé à la police royale, différentes activités illicites s’y déroulaient dans les jardins : galanterie et agitation politique débutent dès cette époque.

La façade visible sur ce Compigné correspond à celle de cette époque. On distingue ainsi de part et d’autre de la partie centrale datée du milieu du XVIIIe siècle des bâtiments construits au XVIIe siècle doublés vers l’ouest au XVIIIe siècle. Des toitures plus hautes permettent de distinguer l’emplacement de l’escalier et de l’Opéra. En effet, suite à l’incendie ayant détruit ce dernier le 6 avril 1763, Contant d’Ivry donna les plans d’un vestibule conduisant à un grand escalier logé dans une cage ovale éclairée par un jour zénithal construit en 1765-1768 (toujours en place aujourd’hui) que l’on distingue ici dominant le bâtiment avec ces larges oculis.  La haute toiture à quatre pans du nouvel Opéra est également visible, il brulera de nouveau en 1770 et 1781 avant d’être reconstruit à l’ouest du Palais-Royal en 1785, emplacement de l’actuelle Comédie-Française. En tenant compte de ces différents éléments, ce Compigné peut donc être daté entre 1765 date du début de la construction du nouvel escalier et l’incendie de l’Opéra en 1780.

Bibliographie

Anita Semail, « ces délicats chefs-d’œuvre de la tabletterie au XVIIIe siècle : Les Compigné et leurs créateurs », Plaisir de France n° 427, mars 1975.

Ouvrage collectif, Compigné, peintre et tabletier du Roy, catalogue d’exposition, Grasse, Villa-Musée Jean-Honoré Fragonard, Juin-Juillet 1991.

Bon état général

Informations complémentaires

Dimensions 32 × 23 cm